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Clic !

Le marchand de sable est passé / Kafarnaöm sur le front de mer

 

 

bientôt l'été - sur l'île de Sein

 

Je m’étais un peu éloignée de Peumerit car j’avais entendu, accoudée au zinc de Ty Mojet pour mon habituel « p'tit crème » que le menu servi cette année au fest noz de la Joyeuse pourrait être cette fois un gratin de courgettes ; l’idée était, dès lors, de ne pas trainer mes baskets dans les parages… Je sautais de mon tabouret, filais attraper la D784 et passais en territoire ennemi ; enfin... je veux dire que j'allais passer quelques temps chez les capistes quoi !

 

Et puis une fois à porzh ar volen, je décidais finalement que ce n'était pas encore suffisant et qu'il me fallait prendre le large ; je me procurais une embarcation et entamais la traversée vers ce si joli bout de caillou, j’ai nommé : l'île de Sein ; Je voguais assez contente finalement de n'avoir pas encore cette fois à recourir à un engin submersible pour ma petite escapade (actuellement encore, l’altitude moyenne de l’île de Sein est de 1,50 mètres)

 

Tant qu’y poser le pied était encore possible, je décidais donc d'aller y contempler les belles lumières se reflétant sur les nageoires dorsales des delphinidés, les belles lumières se reflétant dans les yeux pétillants d’amour pour leur caillou des îliens, les belles lumières dans les bulles de bière au soleil couchant du petit matin

 

Et oh la courgette ! ça suffit maintenant ! Au secour Rimbault !

 

Enfin voilà. C'est ainsi que je débarquais après avoir vaincu les remous de « la vieille », 1 ou 2 bars de ligne géants et quelques mari morgans bien décidés à me chourer mon 4 heures. J’avais, tout au long de la traversée, résisté au chant des sirènes lesquelles, elles, semblaient ne pas avoir résisté aux chants de marins que j'entonnais pour me donner du baume à l’œuvre (ou quelque chose comme ça)

 

Ça y est ! Elle recommence ! Au secours Baudelaire !

 

Je débarquais avec cette impression si particulière et à chaque fois renouvelée, d'accoster sur un autre monde : adieu les moteurs qui puent, bonjour les cariguels ! Comme si seuls régnaient ici le luxe, le calme et la volupté !

 

Enfin là quand même ! C'est bien calme... même pour l'île de Sein ! Mais i' sont où tous ? D'autant que j'arrivais en même temps que l'Enez Sun, le bateau-navette de l'île... pas un cormoran sur le quai... c'est pourtant habituellement le moment des « pépés à casquette », le moment où se fait le lien avec le continent, le moment où les îliens peuvent vérifier qu'un pirate ne soit pas en train d'aborder mine de rien (et éventuellement décider de le remettre à fond de cale)

 

Malgré le calme apparent, je me hissais discrètement par les escaliers du Men Brial ; s'agissait pas que je me retrouve à la baille après avoir réussi à braver le raz de Sein !!

 

Je filais aussi vite que me le permettaient mes courtes pattes (j'ai dit « courtes pattes » ?) vers le quai sud où m'attendait ma location.

 

Et là, en passant devant l'ancien abri du marin... un brouhaha ; je ralentis et m'approche (quelle curieuse celle-ci !) : les « pépés à casquette » sont là, entre autres îliens ; les discussions vont bon train et font suite semble-t-il à une enquête publique qui se conclut aujourd'hui. Il me semble comprendre même qu'il y a là un commissaire enquêteur...

 

Il est question de « marchand de sable » et de « raz la crêpe du marchand de sable ! » qui, en dépit de sa fonction habituelle, a donné aux îliens quelques nuits blanches les temps derniers. Les Sabliers de l'Odet, puisque c'est d'eux dont il s'agit, ont fait, il y a quelques mois, la demande d'extraire (au rythme de 65000 m3/an pendant 10 ans) le sable coquillier des dunes de Kafarnao (concession pour laquelle ils ont obtenu un titre minier par décret ministériel en 2011 « faut-l'faire-aussi ! pas-étonnant-après-qu'ils-demandent-à-l'exploiter ! »), dunes sous-marines au large de l'île de Sein ; c'est aujourd'hui, de ce que je comprends, le dernier jour de l'enquête publique et le commissaire enquêteur doit rendre prochainement ses conclusions...

 

J'en avais d'ores et déjà suffisamment entendu et vous imaginerez bien que c'est les yeux écarquillés et l'air dubitatif que je filais à courtes pattes vers le quai sud (il n'est pas donné à tout le monde d'avoir l'air intelligent en courant !)

 

Je prenais mes quartiers après avoir accusé le regard dubitatif et les yeux écarquillés de mon hôte (à croire qu'elle n'avait jamais vu une courgette !) ; j'ouvrais la fenêtre en grand : l'horizon s'offrait à moi ; je n'avais aucun mal à imaginer les dunes enfouies de Kafarnao là quelque part, au large...

 

Et me voilà encore donc avec une bien drôle d'histoire sous la capuche, même ici, sur une petite île du bout du monde; à croire qu'on n'est jamais tout à fait suffisamment au large pour s'épargner des histoires à dormir debout. Je n'allais pas cette fois me perdre en tergiversations (enfin...).

 

Certains esprits scientifiques (de ceux qui dominent notre monde semble-t-il) tenteraient probablement de m'embrouiller en me laissant entendre que, comme les dégâts et conséquences occasionnés par les extractions de sables ne sont pas prouvés et qu'en plus « ça s'voit pas » et bien... allons-y gaiement ! … puisque « ça s'voit pas ».

 

Un esprit rempoté comme le mien (on dit rempoté ou empoté ?) se contentera de se poser des questions sur le sens que ça peut avoir tout bêtement, d'extraire ainsi du sable de son milieu naturel.

 

Je passerai sur les risques encourus par l'île de Sein, laquelle apparaît de plus en plus, et déjà bien avant même cette histoire de marchand de sable, comme une si frêle esquif face aux assauts du climat un tantinet déréglé ces derniers temps... On en pense ce qu'on en pense (prose de compèt' !) ; mon coeur de courgette est pour sa part tout entier et sans autre argument, au côté de ce petit bout de caillou (Rimbault ?! Beaudelaire !? Quelque chose à ajouter ?). Et il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'il en soit de même pour ses dunes enfouies.

 

Et, à ce propos d'ailleurs, puisqu'il s'agit tout de même de trouver un ou deux arguments (et bien qu'à mes yeux, il serait plus judicieux que ceux qui s'apprêtent à extraire des milliers de mètres cube de sable s'acquittent, eux, de l'argumentaire de leur projet), les « pépés à casquette » disaient tout à l'heure qu'au final, le sable de Kafarnao allait servir* :

 

(* allez ! Il n'y a pas que les pépés qui le disent...

http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/delegation%2029/2014/EP%20sable%20coquillier%20Kafarnao.pdf)

 

  • à renforcer des coquilles d'oeufs (de poules à priori j'imagine ; mais si quelqu'un a une autre idée sur la question... )

  • d'amendement calcaire pour des champs appauvris par une agriculture intensive et paf.

 

 

Et PAF !

 

Tout ça pour ça !

 

Alors oui, peut-être ai-je un cerveau légèrement rempoté, mais je vous saurai désormais gré, messieurs les extracteurs-de-sable-de-par-le-monde, de veiller à ne pas nous prendre plus longtemps (parce qu'il semblerait quand même que ça dure depuis un certains temps déjà ce « bazar » là, qui plus est dans le plus grand silence de Chaire Clazal) pour des gallinacés.

 

Il s'agirait donc là une fois de plus et entre autre, d'un raisonnement dit « à l'envers » : détruire une ressource pour en réparer une autre que certains auront détruite (appauvrie pardon) par ailleurs...

 

Mouais ! Ne vous plaignez pas après ça que j'ai l'air dubitatif.

 

Et puis, si on parlepoules... si on parle poules pardon : pour ma part, ça fait bien longtemps maintenant que je n'en ai plus croisées. je veux dire : des poules, sur une plage au soleil couchant, qui picorent du sable ; qui plus est, j'apprends du coup (en plus du fait que les poules ne soient pas particulièrement attirées par le bord de mer), qu'il y a d'autres façons de leur durcir la coquille. aux oeufs des poulettes. Quoi à la fin !

 

Et puis, s'il y avait un autre élément à prendre en compte selon moi pour finir : en cas de décision favorable à l'extraction, n'y a-t-il pas fort à parier que nos enfants nous remercient grandement d'ici quelques années d'avoir ainsi regardé, à une époque, aussi loin que nous le permettait le bout de nos nez (qu'il semble que nous ayons bien courts au vu des grands projets inutiles en cours) ? Parce que, plaçons-nous du côté de leur avenir et admettons que ce projet permette de maintenir des emplois, qu'arrivera-t-il à ces emplois une fois la dune disparue et nos enfants devenus adultes ? Hein monsieur l'économiste ? Ou madame l'économiste ?

 

Je passerai sinon enfin rapidement sur le documentaire que je viens de regarder et qui m'a quand même un-peu-fichu-la-trouille-il-faut-le-dire : « Le sable, enquête sur une disparition » de Denis Delestrac ; à garder pour un jour de Moral au Beau Fixe vous voilà prévenus, ou si vous vous apprêtez à aller vous dorer la pilule sur une plage marocaine...

 

Le temps qui passe  le temps qui passe le temps qui passe le temps qui passe le temps qui passe le temps qui passe le

 

... Voilà donc quelques semaines maintenant que je me suis mise au diapason, tranqu'île, sur ce petit bout d'île. Le commissaire enquêteur a rendu ses conclusions concernant la demande du marchand de sable - http://pref29.alkante.com/sit_1_ALK/upload/actu/1301/RAPPORT%20CE.pdf - mais la conformité de cette demande ne sera jugée qu'après l'été semble-t-il, après que le parc marin est, lui aussi, rendu son avis ; entre temps, en opposition au projet d'extraction de sable, un collectif s'est créé, celui du « Peuple des dunes de l'île de Sein » - http://peupledesdunesiledesein.blogspot.fr/

 

Et si je m'apprête aujourd'hui à faire rout'pêche et à traverser le raz de sein pour un retour sur le continent, ce n'est pas pour l'instant encore (et bien que le fest-noz de la Joyeuse soit passé) avec l'idée de rentrer en Bigoudénie ; je vais simplement peut-être aller faire un tour du côté des terres de Bellevue en ce week-end du 5 et 6 juillet car c'est sur les terres de Bellevue, à Notre-Dame-Des-Landes que doit se faire le point de convergence de caravanes parties des 4 coins du pays, à vélo pour certains, à pied pour d'autres -  http://www.notredamedeslandes2014.org/ ; ces caravanes veulent ne seraient-ce que faire entendre leur désaccord avec certains grands projets inutiles... comme par exemple extraire du sable de dunes enfouies ? Non ? C'est autre chose ? Enfin... moi je dis ça, je dis rien...

 

https://france.attac.org/IMG/pdf/resum_caravanes.pdf

 

Vous avez vu ? Y'a du monde hein ? Tiens ? Et il y a "les mille vaches" aussi ?

 

Bizarre quand on y pense, qu'on n'en ai aussi peu entendu parler... non ?

 

 


 

La courgette fait sa caravane : à fond de cale avec ses courtes pattes


 


 


 


 


 

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